Devoir de vigilance du garant financier d’achèvement

Le 12 novembre 2020, la Cour de cassation a conforté la Cour d’appel dans l’obligation faite au garant financier de démontrer sa diligence à faire achever les travaux dès la constatation de la défaillance du vendeur (1). Entre risque d’immixtion et défaut de contrôle, la marge de manœuvre du garant s’avère étroite mais ne doit pas être négligée.

Si le dossier n’est pas inhabituel, la décision de la Cour de Cassation introduit, en revanche, une jurisprudence de poids dans l’interprétation de la loi n°2018-1021 du code de la construction et de l’habitation, dite loi ELAN, portant sur la mise en œuvre de la garantie financière d’achèvement.

Dans l’affaire jugée, l’acquéreur d’un appartement en Vente en l’Etat Futur d’Achèvement a d’abord engagé une action en résolution de la vente au motif d’un arrêt des travaux. Lorsque le chantier reprend, ce même acquéreur modifie l’objet du litige en sollicitant l’exécution forcée de la vente et l’engagement de la garantie financière d’achèvement fournie par la banque. 

La Cour d’appel ayant jugé le préjudice de l’acquéreur fondé et ayant statué sur un montant de dommages et intérêts, répartis entre la banque et le vendeur, un recours a été formé en Cassation.

Au final, aucun des moyens du pourvoi principal n’a été retenu :

– Sur le premier moyen portant sur la modification du litige, invoquant que « nul ne peut se contredire au détriment d’autrui », la Cour d’appel ayant retenu que, en cas d’inexécution par une partie de ses obligations, le cocontractant dispose d’une option qui lui permet de demander l’exécution forcée du contrat ou d’agir en résolution et que, après avoir engagé l’une des deux actions, il peut y renoncer pour exercer l’autre tant qu’il n’a pas été statué sur sa demande initiale par une décision passée en force de chose jugée et qu’ainsi l’acquéreur d’un immeuble en l’état futur d’achèvement est fondé, après avoir renoncé à demander la résolution de la vente, à solliciter l’exécution du contrat et la mise en œuvre de la garantie d’achèvement, la demande en résolution de la vente n’ayant pas entraîné renonciation à agir en exécution forcée ni à obtenir la garantie d’achèvement. Dès lors, la Cour de cassation juge que le moyen n’est pas fondé.

– Sur le deuxième moyen portant sur l’extension à la banque d’une obligation contractuelle consentie uniquement entre le vendeur et l’acquéreur, la Cour de Cassation répond que « c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel a évalué le préjudice indemnisable par la banque, dont elle a justifié l’existence par l’évaluation qu’elle en a faite, sans faire référence à l’accord d’indemnisation pris entre l’acquéreur et le vendeur » et juge le moyen non fondé.

Sur le troisième moyen portant sur le périmètre d’intervention du garant financier, rappelant qu’il ne lui appartient pas de s’immiscer dans les opérations de construction pour vérifier le bon déroulement du chantier ni de se substituer au maître de l’ouvrage, la cour d’appel ayant retenu que « si l’engagement du garant n’est que financier et si celui-ci ne peut se substituer au maître de l’ouvrage défaillant, il doit assurer l’efficacité et l’effectivité de sa garantie et que la banque, qui ne s’était pas tenue informée du déroulement des travaux et n’avait pas contribué à leur efficacité, avait manqué à ses obligations d’effectuer toutes diligences pour mettre en œuvre sa garantie dès la constatation de la défaillance du vendeur, (…), notamment en faisant désigner un administrateur judiciaire ayant pour mission de déterminer la nature et les modalités d’exécution des travaux à effectuer et de les faire réaliser par un maître d’ouvrage. »

En conséquence de quoi, le moyen est déclaré infondé, et ce malgré l’antériorité des faits à l’entrée en vigueur de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 modifiant l’article L. 261-10-1 du code de la construction et de l’habitation, selon laquelle le garant financier d’achèvement a le pouvoir de faire désigner un administrateur ad hoc par ordonnance sur requête avec pour mission de faire réaliser les travaux nécessaires à l’achèvement de l’immeuble.

A la lecture de cette décision, on mesure l’enjeu pour les établissements délivrant des garanties financières d’achèvement de la prévention des risques en responsabilité, et ce d’autant plus que le montant de la garantie n’est pas plafonné.

Pierre-Nicolas Ducatel, qui intervient depuis 20 ans à la rescousse d’opérations immobilières en difficulté et connait bien le sujet, incite les garants à ne pas rester inactifs : « Vous êtes désormais protégés par la loi Elan : dès que vous voyez qu’une opération en VEFA commence à battre de l’aile, demandez à l’opérateur de justifier qu’il a les moyens financiers de terminer l’opération. Et, si nécessaire, n’attendez pas pour faire désigner un administrateur ad hoc

(1) source : Légifrance Cour de Cassation N° de pourvoi : 19-19.553

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